MASSAGE TANTRIQUE, L’APPEL DES SENS

A côté de l’approche ludique, des thérapeutes veulent faire bénéficier à leurs patients cette approche.

Ambiance tamisée, luminosité à la limite de la pénombre, des petites bougies disséminées dans de multiples recoins, un florilège de représentations hindoues et bouddhistes, des mélodies rythmées par l’Inde la plus profonde, des émanations d’huiles essentielles, un sourire, un vrai : c’est une saisissante impression de sérénité qui se dégage dès que l’on pousse la porte de l’institut Mary Hash.

Un centre établi depuis neuf ans au cœur de Bruxelles ; une référence en matière de massage tantrique. Une approche à la fois globale et très méticuleuse du corps – chaque centimètre carré de peau est exploré – d’une extrême sensualité, visant à enrichir la sexualité, tout en y apportant une dimension spirituelle. Mais attention : ici, les relations sexuelles sont bannies. Ce qui est loin d’être le cas ailleurs. Il suffit de s’attarder quelques minutes sur Internet pour comprendre à quelles dérives s’est exposé le massage tantrique, devenu, pour beaucoup, une forme exotique et très lucrative de prostitution.

A la tête de Mary Hash, Thierry et Marie Raes insistent lourdement sur ce souci de ne pas pervertir ce qui représente, pour eux, une véritable philosophie de vie. Pas de tabous, mais pas de dérapages non plus. On n’est pas dans une maison close. Les hommes, les femmes et les couples qui se présentent ici doivent savoir qu’ils seront accueillis avec respect ; tout comme il leur est demandé de ne pas abuser de la tendresse, empreinte d’érotisme, véhiculée par l’équipe de praticiens et de praticiennes. « Les comportements déplacés ne sont pas tolérés », intervient Thierry Raes. C’est la porte vite fait. « Les informations disponibles sur notre site Internet, ainsi que les demandes exprimées lors de la prise de rendez- vous, constituent déjà un bon filtre ».

Si le massage tantrique ludique reste la référence du centre, l’équipe développe depuis peu une approche qualifiée de thérapeutique. « Nous ne sommes pas des thérapeutes au sens médical du terme, ceci doit être clair », poursuit Thierry Raes. « Il ne s’agit pas pour nous de poser un diagnostic, de prescrire un traitement. Notre objectif consiste à compléter, par le massage, les thérapies mises en œuvre par des professionnels de la santé ».

Parmi eux, Dominique Delrot, psycho et sexothérapeute, qui exerce dans le Brabant wallon. Son principe : « Le corps a ses raisons que la raison ne comprend pas toujours ». En d’autres termes, lorsqu’en cours de thérapie, un blocage survient sur le plan de la verbalisation, de la prise de parole, « l’expression corporelle trouve toute sa place et permet de poursuivre le travail thérapeutique ». Et ceci vaut pour les victimes d’abus sexuels, pour les patients qui souffrent d’une image négative d’eux-mêmes (en cas d’obésité ou d’ablation mammaire, par exemple), pour ceux qui sont confrontés à des troubles érectiles.. « Il est évident que le massage ne règle pas tout. Nous procédons en synergie ». Pourquoi Mary Hash ? « J’ai été séduite par les lieux et par le discours qui s’y tient. Je ne prétends pas qu’il n’existe pas d’autres endroits tout aussi respectables, mais j’ai apprécié dès le départ leur déontologie, leur humilité et leur respect de l’autre dans sa différence ». D’autres types de massages ne feraient-ils pas aussi bien l’affaire ? « Le massage de relaxation ou de détente n’aborde pas les mêmes dimensions. Ils ont leur place, bien entendu, mais dans des sphères différentes ». Les patients de Dominique Delrot exprimeraient en tout cas une réelle satisfaction, en particulier les femmes, qui disent avoir été « touchées justement ».

Le discours n’est pas différent du côté du Dr Kris Roose, psychiatre, médecin-chef dans une clinique de la dépression à Gand. « Nous nous situons dans le relationnel, dans le respect du corps, dans la relaxation, dans l’exacerbation de tous les sens. Le massage tantrique représente un outil intéressant, notamment dans les cas de troubles sexuels ou de dépression.

Il faut aussi savoir que nous élaborons un projet de collaboration avec le centre Pierre Jurdant, qui accueille, à Bruxelles, une vingtaine d’adultes handicapés mentaux légers à modérés. C’est une fantastique initiative, même si chaque cas devra être évalué avec la plus grande attention, pour éviter toute ambigüité. »

Les thérapeutes adeptes du massage tantrique constituent pour le moment une minorité. Sans doute la réputation véhiculée par cette pratique y est-elle pour beaucoup. Aucune étude sérieuse n’a été réalisée, à ce jour, afin d’objectiver les bienfaits de cette intervention. Mais bon, ceux qui en ont bénéficié s’en disent satisfaits. Alors…

Une sexualité trop pauvre

Marie et Thierry Raes ont ouvert leur premier centre de massage tantrique voici seize ans, à Wemmel. Depuis, ils se sont déplacés vers Bruxelles. « A l’époque, nous étions des pionniers », explique Marie Raes. « Depuis, nous avons dû constater que les dérives ont explosé. Nous ne pouvons que le regretter amèrement, tant cela nuit à l’image de notre pratique ».
Le massage tantrique « ouvre des portes », singulièrement au sein du couple, poursuit Thierry Raes. « De manière générale, notre sexualité est trop pauvre. Nous proposons, lors des premières séances, un processus de découverte du corps. Par la suite, de manière sensitive et intuitive, les lacunes seront comblées. Le massage n’est pas stéréotypé. Nous nous référons à un squelette, à une ligne mélodique, qui intègre ensuite toute la richesse de l’improvisation, selon les réactions et les attentes de nos hôtes ».

Les praticiens et les praticiennes ont suivi des parcours différents. « Il faut reconnaître que nous rencontrons certains difficultés à nous entourer de personnalités compétentes », note Thierry Raes.

« Notre équipe est remarquable et nous souhaiterions l’enrichir davantage, singulièrement en ce qui concerne l’approche thérapeutique ». Un nombre significatif de visites est d’ailleurs motivé par des soucis d’ordre sexuel. « Les passerelles vers une prise en charge par un thérapeute professionnel sont évidentes ».

L’âge minimal pour pouvoir bénéficier d’un massage tantrique a été fixé, chez Mary Hash, à 18 ans. Quant aux personnes qui s’adressent au centre, « elles émanent de tous les horizons ». Ceci étant, les tarifs (on démarre à 100 euros la séance d’une heure) ne constituent-ils pas un frein pour beaucoup ? « Nous nous sentons bien par rapport à cela, considérant les services que nous rendons », confie Thierry Raes. Dominique Delrot, sexothérapeute, partage cet avis, affirmant que « selon mon expérience, le prix n’est pas un blocage pour les patients. Les bienfaits sont tels qu’ils sont disposés à consentir cet effort ».

Juan Miralles
Novembre 2008