NOUS AVONS TESTÉ L’EXTASE TANTRIQUE

Le tantrisme, c’est tendance. Et tentant. Mais de quoi s’agit-il exactement?

Kama-Sutra philo ou body-body effréné? Nos journalistes se sont bravement lancés dans l’expérience…

Rapport de stage

SPORT DE HAUT NIVEAU

Le tantrisme, on l’a vu, a près de deux mille ans. Le massage tantrique®, lui, a été inventé, disent-ils, il y a quelques années seulement, par un jeune couple, Mary et Thierry, qui en ont déposé le nom.

Thierry faisait déjà du massage classique, explique Mary: coréen, californien…, puis un beau jour, alors que nous étions en train de nous masser mutuellement, j’ai été soudain remplie d’une sensation indicible, sans commune mesure avec les résultats d’un massage relaxant, énergétique ou même sexuel…

J’ai cherché à m’informer, j’ai lu Margo Anand (spécialiste du rôle de la sexualité dans les traditions sacrées, ndlr), mais aussi des textes sacrés de la tradition tantrique à la Bibliothèque Royale. C’est en nous inspirant de ces textes et en faisant nos propres expériences que nous avons mis au point cette technique.

En orient, explique-t-elle, il serait aberrant de dire qu’une femme est plus sensible aux caresses qu’un homme, et un maître tantrique serait stupéfait de voir la pauvreté de ce que nous avons décidé de considérer comme des zones érogènes.

Nos massages sont un véritable éveil à la sensualité et à l’érotisme. Avec des huiles chaudes, sous les mains, les pieds, la poitrine, les fesses du masseur ou de la masseuse, aucune zone du corps n’est taboue. Nous stimulons ses énergies, nous lui apprenons le lâcher-prise, l’abandon, jusqu’au point de non-retour, mais en évitant toujours d’aller jusqu’à l’éjaculation.

Après un tel massage de plus d’une heure (je ne porte jamais de montre), où on a soi-même été comme projeté hors du monde et où elle s’est impliquée à fond, on s’étonne de la forme éblouissante de Mary. Hé! Sourit-elle, je suis Tao, je ne libère pas mes énergies. Et puis l’entraînement est quotidien. Nous sommes comme des sportifs de haut niveau.

Et les dames ? Sont-elles nombreuses à fréquenter le salon?

Pas nombreuses, mais depuis quatre ou cinq ans, elles s’octroient enfin le droit de venir. Beaucoup sont en recherche, certaines sont envoyées par leur psy. Mais ici, pas de blabla: notre langage est celui du corps. J’ai massé récemment une dame qui prétendait être veuve… de sa maman et, depuis lors, comme castrée dans sa sexualité. Mais des jeunes femmes bien dans leur peau viennent aussi et, surtout, reviennent.

L’AVIS D’UNE FEMME: La crème du massage

Je quitte mes amis pour un massage tantrique.

Regards goguenards. Confondraient-ils tantrique avec érotisme ? Voir lubrique ? J’ignore si je maîtrise la nuance, mais je ne demande qu’à voir.

Maison de maître, parquets cirés, bougies, musique douce, ameublement dépouillé. L’ambiance est recueillie. Mary m’accueille avec un sourire d’ange.

Serais-je à l’entrée du paradis ? Thierry vient me serrer la main. Dans dix minutes, je serai nue, et lui aussi. Mary me parle de cette passion qu’ils ont, tous les deux, de donner du bien-être aux autres. De toute évidence, c’est un engagement pour eux, un vrai, âme et corps.

Douche rapide. Je l’attends. Etendue au milieu du futon. Il entre et installe sa serviette à côté de la mienne, à gestes lents.

Etes-vous bien installée ?

Il pose ses mains en deux endroits. Une liturgie de frissons commence. Les massages classiques ont quelque chose de pudibond, et d’absurde, à éviter obstinément nos zones les plus sensibles. Thierry ne les évite pas. Ne s’y appesantit pas non plus. Le corps entier s’inscrit dans sa chorégraphie. Et quand il a éveillé chaque centimètre de peau avec ses mains, de la racine des cheveux à la pointe des pieds, il revient avec son corps entier, son corps comme nouveau vecteur de douceur. Il y faut, j’imagine, de la technique, mais ce que je perçois, c’est surtout une intention. Cet homme me veut du bien. Il est doux. Il est tendre. Je vais dire une énormité: je me sens aimée.

J’attendais une sorte de performance, et je glisse dans un acte de communication. Nos corps se parlent, c’est évident. Il y a les endroits subtils, il y a les endroits chauds, on pourrait choisir d’aller vers le plaisir-on le peut, me dira Thierry plus tard. Mais il y a plus à découvrir, dans cette aventure que le simple plaisir. Il y aurait peut-être en point de mire, l’extase, un état de l’âme autant que du corps.

Ici le corps est un clavier, on joue avec les notes sensibles, on les parcourt, on les descelle, on les épanouit. Un luxe à portée d’épiderme, et dont pourtant nous n’avons pas idée.

Marcel Joris et Elisa Brune
Juillet 2006